Par Caroline LEMAIRE, le 22 septembre 2020
Le vendredi 18 septembre dernier, s’est tenue une conférence organisée par le Cercle Saint Rieul avec pour intervenants :
- M. Nicolas Tavernier, auteur du livre « un village sous influence »
- Maître Antoine de Lombardon, avocat au Barreau de Paris spécialisé en droit de l’environnement.

Ont été évoqués des sujets intéressant la protection de la nature, tantôt en lien avec les imperfections de notre démocratie locale, tantôt en lien avec le contentieux administratif et les évolutions législatives.
Les relations personnelles, que ce soient avec les notables locaux ou les juges, ou encore mieux, avec le législateur, permettent bien souvent d’obtenir des décisions favorables à certains individus, au détriment de l’intérêt général, dont la préservation de notre environnement fait éminemment partie.
Première Partie : Intervention de M. Nicolas Tavernier
M. Tavernier nous a relaté les déboires qu’il a connu en tant que conseiller municipal de la commune d’Avilly-Saint-Léonard, s’agissant notamment de l’implantation de biocorridors, les fameuses trames vertes et bleues du Grenelle de l’environnement, dédiés au passage des animaux.

Site de la commune de port saint doy
Alors que cette petite commune possède sur son territoire un des plus grands biocorridors aux alentours de Paris, ce dernier s’est vu complètement obstrué par la mise en place de grillages électrifiées destinées à protéger les terres agricoles.

En vertu de l’article 1er de sa charte, le Parc Naturel Régional Oise-Pays-de-France a pour rôle d’activer et de préserver les bioccoridors : mais cette personne morale n’est pas habilitée à acheter des terrains. Ainsi, la commune a procédé à l’acquisition de 8 hectares de terrains pour mener à bien cette mission.
Pris dans une nasse au niveau d’un marais, les cervidés se sont reproduits au point d’être en surpopulation. La solution prônée par les vétérinaires en 2010, à savoir abattre 20 jeunes cerfs et biches dans cette zone, a été reprise pas un arrêté du sous-préfet. Mais en raison de tractations entre les chasseurs et la sous-préfecture, cette battue administrative n’a jamais eu lieu.

Aujourd’hui, bien que le PNR ait racheté la zone en 2013, la question du passage des animaux dans ce secteur n’est toujours pas réglée.
Voir article du courrier picard : https://www.courrier-picard.fr/art/region/le-parc-naturel-regional-devient-proprietaire-du-marais-ia193b0n103323
En 2018, Eléna Lacroix et Eric Mulochot, bénévoles de l’association la sauvegarde de Courteuil-Saint-Nicolas d’Acy, expliquaient dans la presse qu’en raison des constructions humaines : murs, grillages, routes, les biocorridors étaient obstrués. Les hardes ne peuvent plus se déplacer ce qui nuit à la biodiversité et menace à terme, leur survie.

Image de l’article du Parisien rédigé par H.Sénamaud cité ci dessous.
Voir article du parisien : https://www.leparisien.fr/oise-60/avilly-saint-leonard-60300/sud-oise-les-cerfs-menaces-par-l-obstruction-des-biocorridors-18-06-2018-7779252.php
Et l’article de Reporterre à ce sujet : https://reporterre.net/En-Picardie-les-clotures-poussent-les-cerfs-trepassent
Deuxième Partie : Intervention de Maître de Lombardon
Maître Antoine de Lombardon a quant à lui évoqué le problème des déchets éoliens, s’écartant ainsi de la question classique des énergies renouvelables.
La région Haut-de-France a 315 parcs éoliens ce qui représente 4000 MW, mais aussi 2700 éoliennes sur les 7850 existantes sur le territoire national.
En termes d’implantation d’éoliennes, la région a atteint un seuil de saturation.
Une éolienne implique en moyenne l’enfouissement de 3000 m3 de béton dans le sol qui servira de socle à la construction.

Article Horizon radio.fr du 14 janvier 2019
http://www.horizonradio.fr/article-15445-1-500-eoliennes-dans-les-hauts-de-france-cest-trop-.html
Sachant qu’une éolienne a une durée de vie allant de 20 à 25 ans, qu’advient-il des déchets générés par ces constructions ?
Sur ce point, la loi a récemment évolué, les anciennes dispositions ayant fait l’objet d’un recours devant le Conseil d’Etat…
« L’ancienne mort des éoliennes »
Bien qu’une loi de 2003 ait posé le principe selon lequel les exploitants sont tenus de démanteler et de remettre en état les sites éoliens, le décret d’application n’est intervenu qu’en 2011 ! (N.B : même décalage dans le temps observé s’agissant de la limitation des nuisances lumineuses)
Sous l’empire du décret de 2011 :
- L’exploitant est tenu de retirer les installations mais seulement dans un rayon de 10 mètres, ouvrant ainsi la possibilité de laisser sur place les câbles électriques.
- L’exploitant a la possibilité de n’enlever qu’une partie des fondations enfouies dans le sol : 1 mètre environ peut être retiré, le reste des 3000 mètres cubes de béton pouvant rester.
Cet abandon légal du béton permet donc une artificialisation des sols dans des zones pourtant inconstructibles. - La législation semble mettre sur un pied d’égalité les modes de traitement des déchets : valorisation et élimination, pouvant donc laisser un choix à l’exploitant quant au sort qui leur sera réservé.

Alors que le Conseil d’Etat devait se prononcer sur la légalité de ce décret, les dispositions ont été abrogées, sans doute pour éviter leur annulation par le juge administratif. Le sort des déchets éoliens est déterminé par de nouvelles règles depuis juin 2020.
« La nouvelle mort des éoliennes »
- Le traitement des déchets éoliens est fixé conformément à la hiérarchie en vigueur en la matière : ils doivent en priorité être valorisés, ce n’est qu’en cas d’impossibilité qu’ils pourront être éliminés.
Cependant le texte ne prévoit aucune règle s’agissant des pâles en composite. - S’agissant des fondations, la loi pose le principe de l’excavation totale du béton lorsque l’éolienne arrive en fin de vie.
Néanmoins, l’exception a été rédigée de façon a ce que les exploitants puissent aisément y avoir recours en cas de difficulté. Ainsi, l’excavation peut n’être que partielle si l’exploitant fait état d’un bilan défavorable. La question de l’appréciation du rapport par le préfet n’est pas réglée : sur quels critères sera évalué le caractère défavorable ou non du bilan ? L’exception pourrait donc, avec une telle rédaction, devenir le principe en la matière.

Image : actu-environnement.fr
Des personnes présentes dans la salle ont formulé des remarques intéressantes et quelques précisions ont été apportées :
Les sites éoliens ne peuvent pas faire l’objet d’une rénovation partielle. Pour des raisons d’assurance et de sécurité, la durée de vie est limitée à 20 ans. La mise en place de nouveaux mâts et de nouvelles pales, nécessite de nouvelles fondations également.
L’excavation des fondations à une profondeur de 50 à 80 cm est une recommandation formulée par la chambre de l’agriculture. A Bougainville, il a été procédé à l’excavation totale du béton.
Enfin, l’excavation totale peut être très problématique dans la mesure où elle peut être à l’origine d’une contamination des nappes phréatiques par des sols pollués, en raison de la béance laissée à l’endroit où étaient les anciennes fondations.
Dans une vingtaine d’années, la France devra donc faire face au problème des déchets éoliens et du bétonnage des terres agricoles, avec des questions laissées en suspens, de par l’imprécision de la législation actuelle.
En conclusion, la participation des citoyens aux décisions locales et l’action des associations environnementales jouent des rôles essentiels dans la préservation de nos territoires. Citoyens et associations constituent contrepoids efficaces face à des décisions politiques ou administratives ayant des conséquences dommageables sur notre planète et sur notre avenir.